mercredi 14 janvier 2015

Lettre à Charlie

Même pas mal, et toujours raison!

Charlie Hebdo décide de publier une nouvelle fois les caricatures du Prophète.

Décidément, Charlie, tu as de l'humour.

Humour digne de la maternelle, humour fonds de commerce que tu pratiques depuis plus de quarante ans, et qui t'autorise certainement à te réclamer de Voltaire.
Humour méprisant.
Humour intolérant, humour insultant.
Humour d'athées qui moquent les religions, et qui ne comprennent pas que l'athéisme est aussi une croyance.
Humour manque de respect, humour haineux qui fait mal, et qui cause des blessures, car les insultes sont des coups.
Humour de propagande et de sarcasme.
Humour qui divise, qui nourrit le terrorisme et la guerre.
Humour qui tue, car le crayon du caricaturiste, c'est parfois la plume de Brasillach.

Pourtant, Charlie, après ce qui vient de se passer, la philosophie du journal ne change apparemment pas, ça se résume  en somme à "même pas mal, et toujours raison".

Tu dis, Charlie, que renoncer à publier des caricatures, ce serait vivre à genoux. Mais renoncer à respecter les autres, s'en prendre à ce qu'il y a de plus profond et de plus intime chez l'individu, ses croyances, n'est-ce pas cela être à genoux, à genoux devant une autre religion, celle de l'athéisme militant et intolérant?

Encore une chose, Charlie. Ce qui s'est passé la semaine dernière, ça dépasse largement le problème de la liberté d'expression. Caricatures de Charlie ou pas, le terrorisme existe depuis longtemps, les prétextes d'attentats ne manquent pas. Dire que les victimes de la semaine dernière sont mortes pour la liberté d'expression, c'est comme d'écrire sur les monuments aux morts que les soldats tués sont morts pour la France. C'est un prix de consolation pour les survivants.

Tu le devines, je ne suis pas "Charlie", je n'appréciais pas ton humour, je n'ai pas la même idée que toi de la liberté d'expression, je trouve que la tienne est dévoyée.

Et pourtant, Charlie, ça te semblera sans doute étrange, les assassinats, tous les assassinats de la semaine dernière m'ont bouleversé, rien ne peut les justifier. J'aimais Cabu et Wolinski. Les autres, je ne les connaissais pas. Je ne connaissais pas les policiers, je ne connaissais pas les victimes juives de l'hyper casher, mais je n'ai pas besoin de les avoir connus pour avoir de la peine.

Peut-être que toi qui comprends l'humour, tu comprendras aussi ce paradoxe.

Ce paradoxe, c'est le mien, c'est celui de tous ceux qui pensent comme moi, et qui sont réduits au silence. Nous qui voulons la paix, nous qui voulons plus de justice, plus de vérité dans la presse, plus de morale, une autre politique, nous qui nous battons contre tous les terrorismes, nous qui voulons en comprendre les causes, nous qui ne pouvons nous exprimer dans les médias, nous qui en sommes réduits à écrire sur des blogs que personne ne lit, nous sommes peut-être condamnés à mourir, mais nous n'avons pas peur, car nous non plus, nous ne voulons pas vivre à genoux.  Nous nous battrons, et nous nous défendrons. Contre le terrorisme, notre meilleure arme, c'est la justice et la tolérance.

J'ai déjà trop parlé. Alors, ave, Charlie, morituri te salutant.

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