jeudi 22 janvier 2015

"Le Monde", quotidien de la russophobie

Russophobie!?... Si l'usage du terme est récent, la "russophobie" ne tient pas à la simple haine de l'autre, à la méconnaissance d'une culture, c'est un phénomène très ancien qui a déjà fait l'objet d'études et de recherches historiques, qui est sans doute lié à l'interminable séparation du monde russe et de l'Occident, et qu'il y a sans doute lieu de faire remonter au schisme des églises, à la domination tatare et à la chute de Constantinople.

La russophobie s'exprime avec d'autant plus de vigueur aujourd'hui que les relations internationales sont dégradées, et que faute de se traduire par un affrontement direct sur le terrain entre les véritables belligérants, la confrontation opposant les pays occidentaux et la Russie se traduit dans les médias par une guerre de propagande dont l'ampleur dépasse très largement ce que nous avions connu pendant l'époque de la Guerre froide. La Guerre froide relevait d'une confrontation idéologique qui aujourd'hui n'a plus lieu d'être, de sorte que les accents de la nouvelle guerre froide procèdent davantage du mépris, voire de la haine, de l'ignorance et du racisme de l'Occident à l'égard du monde russe et de sa civilisation.

La presse française qui depuis longtemps a cessé d'informer et qui a renoncé à toute analyse sérieuse de la situation en Ukraine, donne de la Russie une image diabolisée, le président russe et son pays étant présentés comme responsables et seuls responsables de la crise internationale, et en particulier du désastre ukrainien.

La bonne conscience occidentale est certes affichée, mais il s'agit plus d'une posture que d'une conviction réelle, car l'absence d'information, la révélation délibérément partielle ou la dissimulation des faits, l'interprétation malveillante de toutes les initiatives et déclarations russes relèvent tout simplement de la mauvaise foi.

La guerre des médias n'est ni plus propre, ni plus loyale que les autres guerres. Cette guerre n'est pas non plus une guerre virtuelle, ses victimes sont bien réelles, elles se chiffrent par milliers de tués et de blessés dans l'Est de l'Ukraine, et par centaines de milliers de réfugiés en Russie. Enfin, cette guerre est une guerre violente, car la propagande est une violence qui annihile le libre arbitre et la libre pensée, et qui permet de mobiliser les masses.

Les armes de cette guerre, ce sont les mots qui ne sont pas de simples éléments du langage, mais qui, bien affûtés, mutilent et amputent de façon indolore la pensée des lecteurs et des auditeurs, ainsi abrutis et privés, au moins provisoirement, de leur esprit critique.

Il devrait être possible de répertorier tous ces mots, tout ce vocabulaire, et d'en faire un lexique. Certaines expressions sont consacrées. Ainsi, la presse évoque plus volontiers "le maître du Kremlin" que le "président russe", alors qu'il ne viendrait à l'idée de personne de parler du "maître de la Maison blanche" ou du "maître de l'Elysée".

Le journal Le Monde est virtuose dans le maniement de ce langage comme dans la manipulation de l'information.

Ainsi, dans les années 2000, Le Monde publiait des articles dans lesquels il s'étonnait de la fortune rapide et douteuse, et de l'art des affaires de Mikhaïl Khodorkovski, le journal évoquant allusivement la disparition malheureuse et brutale de gêneurs ayant pu entraver la réussite de Khodorkovski.

Les mêmes journalistes, et en tout cas, le même journal Le Monde nous présentent aujourd'hui Khodorkovski sous un jour meilleur, celui d'un opposant qui a été persécuté par le pouvoir russe, et qui serait maintenant un candidat tout à fait honorable et présentable à la présidence de la Fédération de Russie.

Le maniement des mots de la propagande, plus subtil que la manipulation des faits, nécessite davantage de doigté, mais Le Monde n'en manque pas. Dans un article du 21 janvier, intitulé "Moscou accuse Washington de vouloir étouffer la Russie", ce journal écrit :

".... le ministre des affaires étrangères russe, Sergeï Lavrov, reprend cette antienne:
"... les Etats Unis ont pris le cap de la confrontation ... et veulent dominer le monde ... au centre de la philosophie américaine, il n'y a qu'une chose : "nous sommes les numéros un." "

Antienne, c'est à dire couplet bien connu, refrain sans intérêt, vieille rengaine, un mot qui discrédite, un mot digne de figurer au dictionnaire de la propagande.

Le 20 janvier, à Washington, le maître de la Maison blanche prononçait son discours sur l'état de l'Union, "se satisfaisant que les sanctions occidentales aient affaibli la Russie, désormais isolée et dont l'économie est en lambeaux", ainsi que le rapporte complaisamment le même journal Le Monde.

Dans ce discours, Obama déclarait notamment :

" My first duty as Commander-in-Chief is to defend the United States of America. In doing so, the question is not whether America leads in the world, but how."

Pour Obama, la question n'est pas de savoir si l'Amérique doit diriger le monde, mais comment elle doit le faire!

Ce passage du discours du président américain n'est pas cité par Le Monde, mais lorsque Sergeï Lavrov s'indigne de la position hégémonique de l'Amérique, Le Monde ne voit dans les déclarations du ministre russe qu'une antienne, une vieille rengaine.

Vieille rengaine de l'Amérique impérialiste qui veut dominer le monde.

Oui, chers collègues et amis américains, ainsi que continuent de s'exprimer les officiels russes, l'économie russe est en lambeaux. Mais les relations internationales, l'Europe, la France sont également en lambeaux.

Quant à la liberté de la presse, c'est une victime collatérale, et le journal Le Monde fait partie des nouvelles "gueules cassées".





 
 

samedi 17 janvier 2015

Ni liberté, ni égalité, ni fraternité: l'empire romain sera-t-il sauvé?

Dans un article intitulé "Responsabilité sociale", le philosophe Alexandre Zinoviev, disparu en 2006, notait :

"Une caractéristique importante de l'absence de responsabilité sociale en Occident consiste également à sous-évaluer l'intrusion des étrangers. Il est bien connu que les barbares ont détruit l'empire romain. Mais ils l'ont fait non seulement en procédant à des attaques de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur, c'est à dire en s'infiltrant dans les structures de la société. Quelque chose de semblable se produit aujourd'hui en Occident. Des millions et des millions de personnes venant de différents endroits du monde se sont introduits dans les pays occidentaux. De plus, s'agissant de cette question, l'idée dominante est que l'Occident utilise les étrangers dans ses propres intérêts (par exemple, comme main d'œuvre bon marché), et qu'il va continuer à le faire. Mais tout change. Et à présent, il est bien difficile de dire qui exploite qui, et dans quelle mesure. Les étrangers qui sont parvenus à s'installer en Occident, sont convaincus que ce sont eux qui exploitent l'Occident, et qu'ils font sa conquête pour eux-mêmes et pour leurs descendants. Et l'Occident est incapable d'arrêter ce flot. Il est lui-même devenu l'esclave de ceux qu'il voulait utiliser comme main d'œuvre servile. L'intrusion des étrangers ne détruit pas moins la civilisation occidentale que des guerres dévastatrices."

Cet article a été publié en russe, en 1983, par les éditions l'Age d'homme, dans un recueil intitulé "Ni liberté, ni égalité, ni fraternité".

En fait, les paroles de Zinoviev ne sont pas exceptionnelles, beaucoup d'autres, y compris en France, ont été tout aussi clairvoyants, mais personne n'a voulu les entendre.

Evoquant le cas de ses propres compatriotes, Alexandre Zinoviev attribuait leur irresponsabilité au fait d'être soit des idiots pathologiques, soit des gens animés de mauvaises intentions contre leur propre pays, soit encore des escrocs.

A la décharge des Français auxquels on pourrait faire les mêmes reproches, force est de constater qu'ils subissent depuis des décennies la violence d'une propagande véhiculée par les médias français, médias de connivence, et que cette propagande vient de conduire, au nom d'une liberté d'expression dévoyée et à laquelle les simples mortels n'ont généralement pas accès, tous les politiciens français (y compris les partis d'opposition) et des millions de gens à défiler comme des moutons derrière une clique de dirigeants politiques, premiers responsables de la situation, et notamment derrière un président incapable et menteur qui est maintenant porté aux nues.

C'est désespérant, mais que faire? Et après tout, l'empire romain méritait-il d'être sauvé?

vendredi 16 janvier 2015

Prothèses auditives et intelligence pétillante!

Je cherche à acheter un appartement et, répondant à une annonce immobilière, j'appelle le vendeur. Pour être sûr de bien entendre, je porte mes prothèses auditives. Mon correspondant me répond, me donne ses coordonnées et son nom qu'il prend le soin d'épeler, en ajoutant : "... comme l'eau minérale!"

Je ne comprends pas son nom. C'est quelque chose comme "pommier", "prunier", "merdier". Il est presque certain que ça se termine en "yé".

Je lui fais répéter. Il répète et ajoute : "... comme l'eau minérale!"

N'ayant toujours pas compris, je lui demande de bien vouloir de nouveau répéter. Un peu agacé, il répète de nouveau son nom, suivi de "... comme l'eau minérale".

Réalisant qu'il a affaire à un cas sérieux, il ajoute un indice supplémentaire : "...gazeuse!".

Je ne comprends toujours rien, mais cette fois-ci, je n'ose pas lui demander de répéter, et je lui donne rendez-vous pour le lendemain, en proposant de l'appeler - mais par quel nom? - sur son téléphone portable.

La question me taraude et me plonge dans un abîme de perplexité. Pendant des heures, je cherche un nom. A la fin de l'après-midi, j'ai un éclair ou plutôt, une vague lueur. Epuisé par la réflexion, je balbutie : "Ca doit être Perrier! "

Lorsqu'enfin, je visite l'appartement, les canalisations me paraissent en mauvais état, et je ne veux pas risquer un dégât des eaux.

Je n'ai pas acheté l'appartement. Tant pis pour Monsieur Poirier.

mercredi 14 janvier 2015

Les mesures anti-terroristes du gouvernement : un cataplasme sur une jambe de bois?

Lors de son intervention devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre français, M. Manuel Vals, s'étranglant d'indignation, a fait l'annonce de différentes mesures destinées à rendre plus efficace la lutte contre le terrorisme.

Le discours du Premier ministre a suscité chez les députés émotion et enthousiasme, au point que les élus ont entonné la Marseillaise, et que certains ont même pleuré. Le fait que des députés français chantent dans l'hémicycle l'hymne national français a paru tellement exceptionnel que la presse, unanime, a pu souligner cet étonnant élan de patriotisme.

Les mesures prises par le gouvernement français sont à présent connues. Il s'agit pour l'essentiel de mesures policières que l'on ne peut qu'approuver, et dont on reste seulement étonné qu'elles n'aient pas été adoptées plus tôt, car enfin, le terrorisme n'est pas né hier, et il s'est à de nombreuses reprises manifesté sur le territoire français.

L'objectivité contraint à dire qu'évoquer les possibilités d'une éradication complète du terrorisme relève du charlatanisme, et s'avère aussi vain que de rêver à une disparition totale de la criminalité, tant ces phénomènes tiennent à la nature même de nos sociétés et de l'individu.

Derrière la rapidité de la réaction présidentielle et gouvernementale, qualifiée presque unanimement de remarquable par les commentateurs et les acteurs de la scène politique, se profile malheureusement une absence presque totale de réflexion sur les causes anciennes et profondes du terrorisme.

La réflexion est toute aussi absente de l'analyse des causes des attentats de la semaine dernière, attentats qui ont été présentés, dans une propagande martelée par la presse, comme une atteinte à la liberté d'expression, et qui ont entraîné une manifestation d"'unité nationale", composée de tous les "Je suis Charlie" mobilisables, acceptant de défiler derrière un aréopage bien protégé de chefs d'Etat, de ministres, d'ambassadeurs, de personnalités dont on a feint d'oublier que pour certains, ils ont pratiqué ou pratiquent encore le terrorisme.

Si elle a été le prétexte des attentats de la semaine dernière, la publication des caricatures de Mahomet, n'est de toute évidence pas la cause d'un terrorisme qui sévit depuis des dizaines d'années.

Force est pourtant de constater une singularité.

La publication des caricatures de Mahomet a en effet suscité, de la part d'extrémistes se réclamant d'un Islam fanatique, des assassinats et une réaction de violence et de haine  sans comparaison avec l'indignation somme toute et fort heureusement mesurée que des dessins tout aussi injurieux à l'égard de l'église catholique et des rabbins avaient entraînée.

Comment dès lors expliquer et comprendre les raisons d'une telle différence dans les réactions de croyants, ou de personnes se réclamant de croyances religieuses différentes? Les Musulmans constitueraient-ils, par nature, une communauté plus dangereuse que les autres religions?

Pour ne pas répondre à cette question qu'il est sans doute malséant de poser, le premier et le meilleur moyen est sans doute de ne pas la poser. C'est ce que font très généralement les médias et les politiciens.

Le second moyen consiste à soutenir que les terroristes n'étaient pas de vrais musulmans, qu'ils ne pouvaient qu'avoir une vision fausse, déformée de l'Islam, éloignée de la religion d'amour que serait l'Islam et que dès lors, il n'y a pas lieu de s'attarder sur cette question. On aimerait qu'il en soit ainsi.

D'autres, sous prétexte de ne pas vouloir se voiler hypocritement ou candidement la face, soutiennent avec vigueur, en se fondant parfois sur les textes sacrés, que l'Islam, religion de conquête, contient tous les germes de la violence, et que l'intolérance est sa caractéristique essentielle. Les partisans de cette thèse alimentent une islamophobie qui est elle-même extrêmement dangereuse, puisqu'elle prend un aspect raciste  en s'exerçant à l'encontre d'une population maghrébine, indépendamment même de toute adhésion à l'Islam, et qu'elle ne laisse entrevoir aucune autre issue que l'affrontement des communautés.

Cette réponse que l'on peut qualifier de raciste et d'islamophobe, est en définitive tout aussi hypocrite que le refus de discuter des singularités et de la place de l'Islam en France et dans le monde.

Les arguments parfois savants des islamophobes sont heureusement par la réalité et la présence en France d'une importante communauté musulmane, majoritairement modérée.

Les causes de la violence d'une petite frange de la communauté musulmane, comparée à la modération relative des autres communautés, semblent se situer non pas dans l'Islam lui-même, mais davantage dans l'injustice qui est faite aux musulmans.

Injustice au Moyen Orient, où des populations civiles sont victimes depuis des décennies des annexions et des interventions d'Israël, comme des bombardements, des occupations et des crimes des Etats Unis et de leurs alliés.

Injustice en France, avec un chômage de masse dont les premières victimes sont les Beurs, ghettoïsés dans leurs banlieues et dans les cités.

Injustice dans les médias et dans le traitement de l'information, avec une presse largement et généralement favorable à la politique des Etats Unis et d'Israël, et peu encline à montrer, à critiquer ou à commenter les guerres dont sont victimes les populations civiles du Moyen Orient.

Injustice de la société française et de l'opinion publique, obnubilées par l'appétit de consommation, par le matérialisme, par l'individualisme, et insensibles à la misère. La manifestation de dimanche dernier pour la "liberté d'expression", dans sa conception la plus dévoyée, était aussi le défilé de la trouille. De la trouille au nom de laquelle beaucoup sont sans doute prêts à accepter d'importantes atteintes aux libertés qu'ils prétendent défendre.

Perte de tous les repaires moraux, et culte de la violence dans les médias et au cinéma. Surdité avérée aux appels lancés par le pape François, par le patriarche Cyrille, par d'autres, par la conscience, pour plus de justice et de respect.

Les attentats de la semaine dernière auraient pu agir comme un électrochoc. Mais, reprenant peu à peu ses esprits, la société française donne des signes qui ne sont guère encourageants.

Les lycéens ayant refusé de participer la semaine dernière à la minute de silence organisée dans leurs établissements sont traités de "petits cons" par un grand journaliste, invité dans un débat télévisé. L'insulte peut difficilement être considérée comme une pédagogie.

La publication d'un rapport du Sénat américain sur les tortures pratiquées par la CIA dans le cadre de la lutte anti-terroriste ne soulève pratiquement aucune indignation en France où certains, réclamant déjà l'adoption d'un patriot act à la française, s'accommoderaient sans doute de quelques aménagements avec la morale si cela pouvait assurer leur sécurité.

La manifestation des "Je suis Charlie", dimanche dernier, témoigne elle aussi d'une profonde incompréhension de ce qui s'est passé, et qui ne saurait être réduit à une attaque contre la liberté d'expression.

En fait, une lutte plus efficace contre le terrorisme passe par une redéfinition de la politique étrangère de la France qui doit refuser tout alignement, et qui doit donner une cohérence à ses actions extérieures. Il est également nécessaire de "mettre le paquet" sur la question du chômage, et de prendre enfin réellement en charge toute une population de jeunes, livrés à eux-mêmes et soumis aux tentations de la délinquance et de l'extrémisme.

Mais pour cela, il faudra avant toute chose un véritable sursaut moral de la société française qui, au lieu de se bercer de mots et de slogans sur les libertés et les droits individuels, devra retrouver les valeurs que sont l'esprit de justice et de tolérance.

Vaste programme, car notre société est menacée par un mélange détonnant, constituée par une mauvaise lecture de l'Islam, une injustice généralisée, et une jeunesse désespérée, et donc manipulable.

Le gouvernement prend quelques mesures policières ou techniques, le contrôle des frontières, celui des armes en circulation ne sont toujours pas assurés. Oui, ces mesures sont sans doute utiles, mais c'est un simple cataplasme, posé non pas sur une jambe de bois, mais sur une machine infernale.










Lettre à Charlie

Même pas mal, et toujours raison!

Charlie Hebdo décide de publier une nouvelle fois les caricatures du Prophète.

Décidément, Charlie, tu as de l'humour.

Humour digne de la maternelle, humour fonds de commerce que tu pratiques depuis plus de quarante ans, et qui t'autorise certainement à te réclamer de Voltaire.
Humour méprisant.
Humour intolérant, humour insultant.
Humour d'athées qui moquent les religions, et qui ne comprennent pas que l'athéisme est aussi une croyance.
Humour manque de respect, humour haineux qui fait mal, et qui cause des blessures, car les insultes sont des coups.
Humour de propagande et de sarcasme.
Humour qui divise, qui nourrit le terrorisme et la guerre.
Humour qui tue, car le crayon du caricaturiste, c'est parfois la plume de Brasillach.

Pourtant, Charlie, après ce qui vient de se passer, la philosophie du journal ne change apparemment pas, ça se résume  en somme à "même pas mal, et toujours raison".

Tu dis, Charlie, que renoncer à publier des caricatures, ce serait vivre à genoux. Mais renoncer à respecter les autres, s'en prendre à ce qu'il y a de plus profond et de plus intime chez l'individu, ses croyances, n'est-ce pas cela être à genoux, à genoux devant une autre religion, celle de l'athéisme militant et intolérant?

Encore une chose, Charlie. Ce qui s'est passé la semaine dernière, ça dépasse largement le problème de la liberté d'expression. Caricatures de Charlie ou pas, le terrorisme existe depuis longtemps, les prétextes d'attentats ne manquent pas. Dire que les victimes de la semaine dernière sont mortes pour la liberté d'expression, c'est comme d'écrire sur les monuments aux morts que les soldats tués sont morts pour la France. C'est un prix de consolation pour les survivants.

Tu le devines, je ne suis pas "Charlie", je n'appréciais pas ton humour, je n'ai pas la même idée que toi de la liberté d'expression, je trouve que la tienne est dévoyée.

Et pourtant, Charlie, ça te semblera sans doute étrange, les assassinats, tous les assassinats de la semaine dernière m'ont bouleversé, rien ne peut les justifier. J'aimais Cabu et Wolinski. Les autres, je ne les connaissais pas. Je ne connaissais pas les policiers, je ne connaissais pas les victimes juives de l'hyper casher, mais je n'ai pas besoin de les avoir connus pour avoir de la peine.

Peut-être que toi qui comprends l'humour, tu comprendras aussi ce paradoxe.

Ce paradoxe, c'est le mien, c'est celui de tous ceux qui pensent comme moi, et qui sont réduits au silence. Nous qui voulons la paix, nous qui voulons plus de justice, plus de vérité dans la presse, plus de morale, une autre politique, nous qui nous battons contre tous les terrorismes, nous qui voulons en comprendre les causes, nous qui ne pouvons nous exprimer dans les médias, nous qui en sommes réduits à écrire sur des blogs que personne ne lit, nous sommes peut-être condamnés à mourir, mais nous n'avons pas peur, car nous non plus, nous ne voulons pas vivre à genoux.  Nous nous battrons, et nous nous défendrons. Contre le terrorisme, notre meilleure arme, c'est la justice et la tolérance.

J'ai déjà trop parlé. Alors, ave, Charlie, morituri te salutant.