La russophobie s'exprime avec d'autant plus de vigueur aujourd'hui que les relations internationales sont dégradées, et que faute de se traduire par un affrontement direct sur le terrain entre les véritables belligérants, la confrontation opposant les pays occidentaux et la Russie se traduit dans les médias par une guerre de propagande dont l'ampleur dépasse très largement ce que nous avions connu pendant l'époque de la Guerre froide. La Guerre froide relevait d'une confrontation idéologique qui aujourd'hui n'a plus lieu d'être, de sorte que les accents de la nouvelle guerre froide procèdent davantage du mépris, voire de la haine, de l'ignorance et du racisme de l'Occident à l'égard du monde russe et de sa civilisation.
La presse française qui depuis longtemps a cessé d'informer et qui a renoncé à toute analyse sérieuse de la situation en Ukraine, donne de la Russie une image diabolisée, le président russe et son pays étant présentés comme responsables et seuls responsables de la crise internationale, et en particulier du désastre ukrainien.
La bonne conscience occidentale est certes affichée, mais il s'agit plus d'une posture que d'une conviction réelle, car l'absence d'information, la révélation délibérément partielle ou la dissimulation des faits, l'interprétation malveillante de toutes les initiatives et déclarations russes relèvent tout simplement de la mauvaise foi.
La guerre des médias n'est ni plus propre, ni plus loyale que les autres guerres. Cette guerre n'est pas non plus une guerre virtuelle, ses victimes sont bien réelles, elles se chiffrent par milliers de tués et de blessés dans l'Est de l'Ukraine, et par centaines de milliers de réfugiés en Russie. Enfin, cette guerre est une guerre violente, car la propagande est une violence qui annihile le libre arbitre et la libre pensée, et qui permet de mobiliser les masses.
Les armes de cette guerre, ce sont les mots qui ne sont pas de simples éléments du langage, mais qui, bien affûtés, mutilent et amputent de façon indolore la pensée des lecteurs et des auditeurs, ainsi abrutis et privés, au moins provisoirement, de leur esprit critique.
Il devrait être possible de répertorier tous ces mots, tout ce vocabulaire, et d'en faire un lexique. Certaines expressions sont consacrées. Ainsi, la presse évoque plus volontiers "le maître du Kremlin" que le "président russe", alors qu'il ne viendrait à l'idée de personne de parler du "maître de la Maison blanche" ou du "maître de l'Elysée".
Le journal Le Monde est virtuose dans le maniement de ce langage comme dans la manipulation de l'information.
Ainsi, dans les années 2000, Le Monde publiait des articles dans lesquels il s'étonnait de la fortune rapide et douteuse, et de l'art des affaires de Mikhaïl Khodorkovski, le journal évoquant allusivement la disparition malheureuse et brutale de gêneurs ayant pu entraver la réussite de Khodorkovski.
Les mêmes journalistes, et en tout cas, le même journal Le Monde nous présentent aujourd'hui Khodorkovski sous un jour meilleur, celui d'un opposant qui a été persécuté par le pouvoir russe, et qui serait maintenant un candidat tout à fait honorable et présentable à la présidence de la Fédération de Russie.
Le maniement des mots de la propagande, plus subtil que la manipulation des faits, nécessite davantage de doigté, mais Le Monde n'en manque pas. Dans un article du 21 janvier, intitulé "Moscou accuse Washington de vouloir étouffer la Russie", ce journal écrit :
".... le ministre des affaires étrangères russe, Sergeï Lavrov, reprend cette antienne:
"... les Etats Unis ont pris le cap de la confrontation ... et veulent dominer le monde ... au centre de la philosophie américaine, il n'y a qu'une chose : "nous sommes les numéros un." "
Antienne, c'est à dire couplet bien connu, refrain sans intérêt, vieille rengaine, un mot qui discrédite, un mot digne de figurer au dictionnaire de la propagande.
Le 20 janvier, à Washington, le maître de la Maison blanche prononçait son discours sur l'état de l'Union, "se satisfaisant que les sanctions occidentales aient affaibli la Russie, désormais isolée et dont l'économie est en lambeaux", ainsi que le rapporte complaisamment le même journal Le Monde.
Dans ce discours, Obama déclarait notamment :
" My first duty as Commander-in-Chief is to defend the United States of America. In doing so, the question is not whether America leads in the world, but how."
Pour Obama, la question n'est pas de savoir si l'Amérique doit diriger le monde, mais comment elle doit le faire!
Ce passage du discours du président américain n'est pas cité par Le Monde, mais lorsque Sergeï Lavrov s'indigne de la position hégémonique de l'Amérique, Le Monde ne voit dans les déclarations du ministre russe qu'une antienne, une vieille rengaine.
Vieille rengaine de l'Amérique impérialiste qui veut dominer le monde.
Oui, chers collègues et amis américains, ainsi que continuent de s'exprimer les officiels russes, l'économie russe est en lambeaux. Mais les relations internationales, l'Europe, la France sont également en lambeaux.
Quant à la liberté de la presse, c'est une victime collatérale, et le journal Le Monde fait partie des nouvelles "gueules cassées".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire