Est-il possible, au milieu du tumulte politique et médiatique faisant suite aux évènements de Montauban et de Toulouse, de réfléchir sereinement à la question du terrorisme et aux moyens de l’éradiquer .
Pchetchkov refuse catégoriquement de participer au pugilat médiatique en cours, et ne fera donc aucun commentaire ni sur le fonctionnement des services de renseignement, ni sur l’intervention des services de police.
Le monsieur-je-sais-tout qui se cache chez Pchetchkov, comme chez les autres, fera, pour une fois, preuve de retenue, pour la simple raison qu’il ne connaît rien du dossier, rien des techniques du renseignement, rien ou à peu près rien des faits.
Pchetchkov, sur ces sujets, se bornera donc à dire qu’il faut bien du courage pour tenter d’arrêter un forcené, qu’il en fallait certainement beaucoup pour tenter de neutraliser un homme armé, traqué, désespéré et déterminé à faire de nouvelles victimes. Pchetchkov salue humblement les hommes qui, tous les sens en éveil, la peur au ventre, et au risque de se faire tuer, ont eu le cran de rentrer dans un appartement dévasté, transformé en bunker, pour arrêter un fou que plus rien ne pouvait ramener à la raison. Il ne fallait pas que ces hommes se demandent alors pourquoi ils faisaient tout ça, pourquoi ils défendaient au prix de tant de risques une société assez veule, et finalement assez peu reconnaissante.
Messieurs les policiers, Pchetchkov s’incline modestement devant vous, il salue votre bravoure et votre sens du devoir, et puisqu’il ne pouvait être d’aucun secours lors de l’accomplissement de votre acte de courage, Pchetchkov voudrait au moins aujourd’hui vous aider à supporter les critiques qui parviennent à vos oreilles. Ces critiques, aussi désagréables soient-elles, certaines d’entre elles en tous cas, peuvent être utiles, elles doivent permettre de réfléchir à ce qui a été fait, à ce qui aurait pu être fait ou amélioré, ce sont des critiques légitimes, et dans le fond, ce sont peut-être ou sans doute les critiques que vous faîtes vous-mêmes sans pouvoir les exprimer en public, ce sont pourtant les critiques auxquelles il faut apporter une réponse.
Quoi qu’il en soit, encore bravo et merci.
Ce qui intéresse Pchetchkov, c’est le reste, c’est la leçon plus générale que l’on peut tirer des évènements. Les éléments que nous livre la presse, aussi parcellaires soient-ils, font apparaître l’évolution d’un jeune délinquant qui, après avoir commis des délits relativement mineurs et assez peu sanctionnés pendant sa minorité, atteint l’âge de 18 ans, rentre dans le monde des majeurs, et commet une infraction ni plus, ni moins grave que les précédentes, qui lui vaut alors un séjour de près de deux ans en prison. Ce jeune délinquant n’a jamais été pris en main par personne - son père a quitté la France alors qu’il n’était qu’un jeune enfant - , dans sa brève vie, il a vu beaucoup de portes se fermer, il n’en a pas peut-être pas vu s’ouvrir, il sait qu’il vaut mieux que tout cela, il a besoin non seulement d’une situation, mais surtout de reconnaissance, de dignité. Il est né en France, il a tous les droits d’un Français, mais il n’est rien. Plus que le mépris ou la discrimination, il subit l’indifférence de la société. Il fait une ultime tentative, il cherche à rentrer dans l’Armée, il essuie un refus, un nouveau rejet, et la haine de la société l’envahit, le domine, le ronge, le submerge.
C’est à ce moment-là qu’il bascule, qu’il rencontre le fanatisme, la haine des autres, théorisée et glorifiée sous le couvert d’une interprétation dévoyée de la religion. Et ceux qu’ils rencontrent lui disent ce qu’il voulait entendre et qu’il n’a jamais entendu. Il n’est plus le petit Mohamed dont le seul destin serait de finir en prison, il fait partie d’une élite, il a été désigné pour accomplir une volonté, il défend une cause sacrée, et la violence qui lui a valu un séjour en prison, il pourra toujours l’exercer, mais il la mettra désormais au service de la cause. La violence ne lui vaudra plus aucune punition, il doit au contraire l’exercer, en décupler la force, commettre pour cela des crimes qui ne sont plus des crimes, mais des actes de foi, qui lui vaudront la reconnaissance, l’admiration et la gloire. S’il le faut, il mourra les armes à la main. C’est ce qu’il fera, comme cela a malheureusement été déclaré dans la presse. En fait d’admiration et de gloire, ses crimes et son suicide suscitent uniquement l’horreur et la stupéfaction.
Vous dire à quel moment exact il a épousé le fanatisme est bien sûr impossible. Est-ce avant la prison, en prison, après le refus de l’Armée? Personne n’en sait rien, et encore moins Pchetchkov qui ne dispose d’aucune information.
Mais ce qui reste certain, c’est le cheminement sur la voie du crime, l’iter criminis, comme disent les criminologues, c’est la glissade effroyable vers le suicide d’un désespéré qui déteste la société autant qu’il aurait voulu en être aimé, et qui entraîne avec lui, dans la mort, des victimes qu’il ne connaît même pas.
Alors non ! Messieurs les philistins, messieurs les commentateurs, messieurs les politiciens et spécialistes de tous bords ! Non, Mohamed n’était pas seul.
Disant cela, Pchetchkov ne cherche pas à répondre à la question de savoir s’il a ou non bénéficié de l’aide de complices pour la réalisation de ses crimes. Pchetchkov vous dit que Mohamed n’était pas seul, parce qu’il y a des dizaines, des centaines, des milliers de Mohamed en France, et encore beaucoup d’autres, qui ne s’appellent pas Mohamed, mais Daniel ou François.
Ceux qui font le terrorisme, ceux qui font la bombe, ceux qui remontent la minuterie, ceux qui mettent en place la machine infernale, ce sont tous ceux qui ont des responsabilités, et qui, avec indifférence, et parce qu’ils ne sont pas touchés, posent sur les milliers, les millions de chômeurs, de demandeurs d’emploi, de miséreux acculés à dormir dans la rue ou dans une voiture, de pauvres types un regard morve et méprisant qu’ils détournent rapidement pour contempler le solde de leur compte bancaire, en se disant qu’au moins, eux et leurs enfants, ils en ont réchappé. C'est le regard des mauvais riches sur les damnés de la terre!
Mohamed n’est pas devenu terroriste parce qu’il est allé en Afghanistan, Mohamed est devenu terroriste parce qu’il est né en France, c'est en France qu'on a fabriqué la bombe.
Vous voulez lutter contre le terrorisme ? Vous voulez défendre la France ? Alors, plutôt que d’envoyer des techniciens militaires guerroyer de par le monde, et bombarder des montagnes ou des villages dont personne ne connaît le nom, défendez notre pays en en faisant une patrie pour tous, en en faisant un pays où chacun aura sa chance et sa place, en gardant à l’esprit qu’il n’existe pas de société parfaite et que le crime a toujours existé, mais en n’oubliant pas non plus la devise de notre République.
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