dimanche 28 août 2016

"Que me veux-tu, femme?" ou le burkini, roman de l'été


Pour ceux qui, au cours de l’été 2016, étaient en manque d’idées, le burkuni restera dans les mémoires comme un don béni des dieux,  peut-être faudrait-il dire, un don d’Allah ! Quel festival d’idées, de propositions, de recommandations, de déclarations. Même le Conseil d’Etat dont on connaît, à toutes les époques, et surtout aux époques troublées, les courageuses décisions, aura eu l’occasion d’enrichir sa jurisprudence. Quant aux hommes politiques, ils auront trouvé là un véritable Eldorado, les uns réclamant à cor et à cri une loi sur la question, les autres nous disant qu’il vaut mieux attendre, le Président, dans son immense sagesse et avec son sens bien connu du compromis, suggérant de ne tomber « ni dans la stigmatisation, ni dans la provocation », ce qui est bien la preuve que lorsque l’on a rien à dire,  il reste possible de faire entendre sa voix. Nous ne sommes guère avancés.

Sarkozy, quant à lui, veut-un débat sur la question de l’identité nationale. On pourrait lui objecter que ce débat est inutile, ou qu’il a déjà eu lieu, ou encore, que nous débattons de la question en permanence. Mais à ce propos, est-ce réellement la question , et quel rapport peut-il bien exister entre l’identité nationale  et les pratiques religieuses?

Personne, en France, ne conteste sérieusement la liberté religieuse. Chacun est libre d’avoir ses croyances, ou de ne pas en avoir, ou d’en changer, ou de ne ressentir sur cette question qu’une profonde indifférence. Un débat sur l’identité nationale n’y changera rien. De façon sous-jacente, l’idée de ce débat est sans doute, chez ses promoteurs, de parvenir à la conclusion que certaines croyances ou certaines pratiques religieuses sont inconciliables avec l’identité française.

L’idée même d’un tel débat occulte une autre question. L’homme ne vit pas que de pain, la société n’a pas que des besoins matériels, ses problèmes ne se réduisent pas à des questions de production, d’emploi, de coût, de revenu, de fiscalité, de compétitivité, de balance des comptes, de déficit budgétaire. La société a également des besoins de morale et de spiritualité, ces besoins ne sont pas chiffrables, et ces besoins n’apparaissent pas plus dans les statistiques que dans les programmes politiques.

La nécessité d’avoir une croyance, un idéal, une utopie dépassant les simples besoins matériels de la société est vitale. La religion peut être une réponse. Mais bien entendu, cette réponse ne doit pas nous renvoyer à l’obscurantisme.

Les religions évoluent. Ainsi, s’agissant de la place de la femme dans la société, ni la religion juive, ni la religion chrétienne, si on en juge par certains textes, ne lui étaient particulièrement favorables. On connaît la brutalité des paroles de Jésus : « Que me veux-tu, femme ? » Pourtant, cela n’a pas empêché des sociétés dominées par le christianisme d’évoluer, et de reconnaître, après bien des combats, le principe de l’égalité de l’homme et de la femme que personne ne remet, ou ne devrait pouvoir sérieusement remettre en cause.

Il faut qu’il en aille de même avec l’Islam, comme avec toutes les religions. La situation inférieure de la femme, la polygamie ne sont plus admissibles aujourd’hui. S’indigner que sous le couvert d’interprétations de textes religieux, certains individus prétendent ne pas respecter des règles de vie qui se sont imposées après bien des luttes, et qui sont devenues, dans notre société, des valeurs morales, ce n’est pas attaquer une religion, ce n’est pas la stigmatiser, c’est simplement fixer des limites qui s’imposent à tous, et qui ne peuvent être impunément transgressées.

Il existe bien aujourd’hui une religion universelle. C’est celle de l’argent, comme si l’argent pouvait nous apporter le bonheur ou le paradis. La France, comme le reste du monde, semble emportée, dominée par un déferlement de matérialisme, au sens le plus banal, le plus vulgaire et le plus immédiat du terme, c’est-à-dire par une avidité de biens matériels que rien n’arrête, et qu’aucune richesse ne semble en mesure de satisfaire. Les plus riches veulent être encore plus riches.

Avoir un idéal, croire dans une religion ou dans une utopie, c’est ce qui nous permet de rester des hommes, et de ne pas nous comporter comme des animaux dont la seule nourriture serait le pouvoir et l’argent. La morale, fondée sur un idéal, n’est pas une contrainte, c’est une liberté, celle de choisir entre le bien et le mal. Pour avoir trop longtemps nié ou ignoré ces principes, et pour leur avoir préféré un culte effréné de la consommation, de l’hédonisme et de l’argent, la société se transforme progressivement en un monde infernal. Le prix de notre immoralité, c’est, au quotidien, l’injustice, la corruption, le mensonge, la tricherie, le favoritisme, l’individualisme, la lâcheté. C’est aussi une classe politique française et une caste de privilégiés particulièrement corrompues, moralement, sinon juridiquement, corrompues.

Il est urgent de réagir. La religion peut nous y aider, ou tout autre idéal. Mais il faut être clair. Si la religion est libre, elle n’a pas tous les droits, et c’est une faute de reculer devant l’obscurantisme et d’accepter, au nom d’une prétendue liberté religieuse, des pratiques rétrogrades et moyenâgeuses.

Quant au débat sur l’identité nationale, heureux celui qui croit …