jeudi 17 décembre 2015

La journée ordinaire d'un accro de l'info

Mercredi 16 décembre 2015, 21 heures. Je commence à regarder une émission de CNN.

Il s’agit d’un débat entre les candidats aux primaires du parti républicain aux Etats Unis. Les différents candidats sont alignés sur la scène d’un théâtre de Las Vegas, ils répondent aux questions, et s’expriment sur les problèmes de sécurité et de terrorisme. Tous surenchérissent de propositions guerrières, et insistent sur la nécessité de restaurer  l’autorité des Etats Unis dans le monde et de lutter contre le terrorisme islamiste.

Toutes les solutions sont envisagées et proposées, et par exemple, celles d’anéantir non seulement les terroristes, mais aussi leurs familles (proposition de Donald Trump, candidat indépendant aux primaires républicaines), de créer des zones d’interdiction de survol du territoire syrien et d’abattre tout avion contrevenant, y compris le cas échéant les avions russes (proposition de Chris Christie, gouverneur du New Jersey), ou encore de couvrir les zones occupées par les forces de l’Etat islamique d’un tapis de bombes, permettant de « voir si le sable peut briller dans l’obscurité » (« to see if sand can glow in the dark » ) selon l’aimable expression de Ted Cruz, sénateur du Texas.

Les critiques fusent à l’encontre de Barack Obama et d’Hillary Clinton, mais aussi, parfois, à l’égard de la politique de leurs prédécesseurs. Trump rappelle qu’il s’est toujours opposé à l’intervention armée des Etats Unis en Irak. Paul Rand, sénateur du Kentucky, mais aussi Ted Cruz admettent que les interventions armées en Lybie et en Irak ont été une erreur, et que les « changements de régime » voulus par l’Amérique ont conduit au chaos.

Donald Trump fait face, comme il peut, aux critiques, et parfois aux sarcasmes, des candidats de l’establishment politique.  Un accrochage l’oppose à Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride et frère de Georges Bush Jr.

Trump s’en tire, parfois par des pitreries, parfois par une sorte de bon sens populaire qui semble lui réussir dans les sondages d’opinion. Il critique la débauche d’argent public investi dans les conflits du Moyen Orient, et l’absence de tout résultat tangible, si ce n’est un vaste désordre devenu à peu près incontrôlable.

Les débats prennent fin, chaque candidat conclut son intervention en invoquant la place des Etats Unis dans le monde. Trump y va de son couplet patriotique en soulignant que, quel que soit le candidat choisi au terme des primaires républicaines, il sera de toute façon plus qualifié pour défendre le pays que l’actuel président américain.

Une curieuse impression s’empare de moi. Certes, je ne suis qu’un simple observateur, vivant en Europe. J’ignorais, ou peut-être ai-je perdu de vue, que les Etats Unis avaient perdu leur rang dans le monde. Pour moi, l’Amérique restait incontestablement la première grande puissance, et je ne songeais pas à contester à l’Amérique ni son autorité, ni la place, la première place, qu’elle occupe dans le monde, aussi bien sur le plan militaire et économique que scientifique.

Toutefois, une idée m’effleure. Oui, de fait, les Etats Unis ont perdu leur première place, mais ce n’est ni dans le domaine économique, ni sur le plan militaire. En réalité, l’Amérique a perdu son magistère moral, elle se sent critiquée, mal aimée ou détestée à peu près partout, et peut-être même chez les alliés dociles qu’elle s’est trouvée en Europe. C’est sans doute cela que les candidats républicains, de façon plus ou moins consciente ou  inconsciente, ressentent.

C’est pour cela que Trump, comme il le déclare, veut faire de nouveau « respecter l’Amérique ».

 

Un peu plus tard, dans la soirée, je commence à regarder une émission sur la chaîne russe RTR Planeta.

 

Il s’agit d’un reportage sur les armes de destruction massive, qu’il s’agisse des armes atomiques, chimiques ou biologiques. Dans un hôpital vietnamien, un médecin russe tente de soigner les enfants qui naissent avec des malformations, conséquence de l’utilisation par les Américains au cours de la guerre du Vietnam de l’agent Orange, un produit chimique destiné à la défoliation. Les images sont horribles, insupportables. Je me mets à détester l’Amérique, et je change de chaîne.

 

Je regarde sur une chaîne parlementaire un débat concernant la situation politique française.
 
Un chercheur intervient. Interrogé sur les capacités de Hollande, il se réfère à deux émissions récentes, consacrées à Chirac et Mitterrand, et finit par dire que s’agissant des présidents de la République, la question de l’intelligence ne se pose pas, car à un tel niveau de responsabilité politique, les présidents sont tous, forcément, intelligents.  

 

Je n’écoute pas la suite de la réponse et du débat, et je quitte l’émission. Mais je suis rassuré, puisque la question des capacités de nos présidents ne se pose pas, et que l’essentiel est de parvenir à se faire élire. Je ferai donc confiance à la sagesse du peuple, et je sais que la prochaine fois, je pourrai, moi aussi, sans état d’âme, voter Marcel Barbu.

 Il est tard. Je dois me reposer, car la journée de demain s’annonce lourdement chargée.

Jeudi matin, 7 heures. J’écoute le programme de France Inter.

Le scandale du jour, ce sont les photos publiées sur Twitter par Marine Le Pen, montrant les exactions commises par l’état islamique, et notamment, la photographie du corps décapité d’un journaliste américain. Inadmissible ! Intolérable ! Il n’y a pas de mot de condamnation assez dur. Pourtant, la veille, Le Monde s’était félicité de la publication et de la diffusion par Human Rights Watch de photos montrant les corps suppliciés de victimes des crimes imputés au régime d’Assad. Human Rights Watch , c’est une association de défense des droits de l’Homme, fondée aux Etats Unis, et financée notamment par Soros. Le Pen, c’est différent. Elle dirige un parti d’extrême-droite, désormais présenté comme la deuxième face, avec l’Etat islamique, d’un même problème. CQFD.

La rédaction a invité Pierre Bergé, président du conseil de surveillance du journal Le Monde, et un écrivain, Christine Angot, qui, paraît-il, aurait pris position contre Houellebecq à la suite de la parution de son dernier livre, "Soumission". Des auditeurs téléphonent pour poser des questions. Il est question du mariage homosexuel, du Front national, de l’identité française, des modernistes et des antimodernistes. Je ne comprends rien à ce que disent les uns et les autres. Pourtant, c’est en français. Je termine mon petit-déjeuner.

 

10 heures. Conférence de presse de Vladimir Poutine, en direct, sur Rossia 24.

Poutine répond à de nombreuses questions, posées par les journalistes russes et étrangers. Les questions fusent, sur l’économie, les sanctions, la hausse des prix, la situation des retraités, sur la corruption, sur la situation internationale, sur l’élection d’un nouveau président américain en 2016, sur la Turquie, l’Ukraine, la Syrie, la situation internationale, sur les enfants du Président.  Poutine, pédagogue, répond de façon apparemment spontanée à toutes les questions, il donne l’image d’un président aux commandes. Le président russe annonce que la Russie soutiendra non seulement l’armée syrienne,  mais également les rebelles luttant contre l’état islamiste. Poutine confirme également le désir de dialogue et de coopération de la Russie avec les Etats Unis, quel que soit le nom du futur président américain. Rien de bien nouveau, somme toute.

A l’heure où je vous livre ces commentaires, la conférence de presse n’est pas terminée. J’ai faim. C’est bientôt l’heure du déjeuner.  J’abandonne mon poste d’observation. Ma journée de travail est terminée. Je vais à présent pouvoir méditer sur toutes ces informations.

***
 
La radio et la télévision sont faites pour ceux qui ne lisent pas. C’est même ce qui en fait leur importance. Les grands médias forment l'opinion publique, et peuvent à leur aise diffuser l'information ou la propagande. La liberté de la presse s’exprime sans doute, mais rarement, dans les journaux ou à la télévision. Si je veux continuer à m’informer, il va me falloir lire, et non pas zapper. A défaut, et comme aurait pu le dire Geneviève Tabouis, je devrai m'attendre à ne pas savoir ....

mercredi 2 décembre 2015

Face au terrorisme, la défense pathétique de l'Occident

Pour combattre le terrorisme, il faut en comprendre les raisons.

Les rares tentatives d'analyse sérieuse disparaissent sous un amoncellement de déclarations guerrières et incohérentes contre l'Etat islamiste, personne ou presque ne s'avisant de relever que ne doivent pas être confondues les causes du terrorisme, et les manifestations de ce phénomène.

Pour se manifester, le terrorisme n'a évidemment pas attendu l'existence de l'Etat islamiste, et dans l'histoire récente, celle des cent cinquante dernières années, le terrorisme s'est maintes fois manifesté sans que l'Islam ne soit en quoi que ce soit concerné. Le terrorisme a été souvent utilisé et pratiqué, y compris par des Etats qui aujourd'hui le condamnent, ou qui en sont les victimes.

Dans les évènements récents, ce qui préoccupe et ce qui frappe réside dans le fait que des individus se réclamant apparemment d'une vision de l'Islam, commettent des actes terroristes au péril de leur vie, ou même en faisant délibérément le sacrifice de leur vie.

Cela même n'est pas propre au terrorisme islamiste. L'Europe du XIXème siècle est marquée de multiples attentats, notamment en Europe, en Russie, aux Etats-Unis, qui se sont immanquablement soldés par la mort des terroristes. Le début du XXème siècle connaît les attentats anarchistes. La première guerre mondiale commence par l'assassinat d'un grand-duc autrichien, l'auteur du crime est qualifié de fanatique nationaliste.

Bien que ces évènements ne soient pas qualifiés d'actes de terrorisme, les massacres régulièrement perpétrés aux Etats-Unis, dans des lieux publics, des écoles, des universités, font aux aussi apparaître des criminels prêts à sacrifier leur vie, et cherchant à faire le plus de victimes possible. La cause de ces massacres est très généralement attribuée à la profusion des armes aux Etats-Unis, et à l'absence d'une législation en restreignant sévèrement la vente, la détention et la circulation.

Plus récemment, un pilote d'avion de ligne s'est suicidé avec son avion, entraînant dans la mort tous ses passagers. Ce fait divers particulièrement meurtrier n'a jamais été qualifié de terroriste.

Pourtant, tous ces évènements démontrent que dans certaines conditions, un individu, acceptant et même décidant de perdre la vie, passe à l'acte en provoquant la mort de personnes n'ayant jamais eu aucun lien avec l'auteur de l'acte terroriste.

C'est ce passage à l'acte qu'il faut analyser et comprendre, si l'on veut tenter de prévenir les actes terroristes.

Face à la diversité apparente des exemples qui viennent d'être donnés, on pourrait être tenté d'imputer la survenance de ces actes à une forme de folie. Ce serait une grave erreur, car les terroristes ne sont pas des fous, ils suivent une certaine logique, et du reste, même les fous, ou ceux que la société répute fous, ont une logique qui n'est pas la nôtre, mais dont il faut admettre l'existence si l'on veut comprendre leurs actes. Invoquer ici la folie reviendrait à renoncer à expliquer le terrorisme.

En réalité, dans tous les cas, on retrouve chez les auteurs d'actes de terrorisme la poursuite, parfois désespérée, d'un but, d'un idéal, fût-il complètement dévoyé, l'acte de terrorisme apparaissant alors comme l'aboutissement de cette recherche.

Le terrorisme apparaît ainsi comme une quête exaltée d'idéalisme, et comme le rejet d'une société qui a elle-même renié toute forme élevée d'accomplissement de l'individu, qui a renoncé non seulement aux valeurs et enseignements de la religion, mais également à toute forme de spiritualité, et dont les seules valeurs sont le matérialisme, l'argent, le consumérisme, l'hédonisme. Cette société n'est pas même athée, elle a simplement été gagnée par l'indifférence, et ignore les questions métaphysiques.

Dans un ouvrage célèbre, consacré à l'étude des idées fascistes ("Ni droite, ni gauche"), Zev Sternhell avait parfaitement souligné que l'idéologie fasciste était née d'une aspiration idéaliste, en réaction à un monde déjà dominé par le matérialisme, et par réaction à un système politique corrompu.

La France a été la victime des derniers attentats terroristes commis en Europe.

Pourquoi la France? Tout simplement, parce que c'est le plus faible des Etats européens. Faible, non seulement parce que la France, après la défaite honteuse de 1940, s'est vautrée dans la "douceur de vivre", que tirant prétexte d'un prétendu universalisme, d'un esprit français ouvert sur le monde, la France a définitivement accepté d'être occupée, par les Allemands, par les Américains, et à présent par différentes communautés, tous étrangers à sa culture et à ses mœurs, mais surtout parce que la France a procédé à une sorte de désarmement unilatéral sur le plan moral.

La France est devenu un pays dirigé par une caste bureaucratique dont la seule préoccupation est de préserver ses privilèges. Cette caste qui se sent aujourd'hui menacée par les attentats, a beau demander au petit peuple de mettre le drapeau français aux fenêtres, elle n'a aucun patriotisme, elle ne défendra ni les intérêts français, ni l'indépendance de la France. Cette caste s'appuie en cela sur une proportion importante, et sans doute majoritaire, de la population, et de l'opinion française qui continue de voir dans les Etats-Unis la puissance qui a sauvé la France.

La société française, c'est à dire l'ensemble de la population résidant sur cet appendice européen que l'on nomme la France, ne propose aucun idéal à la jeunesse qu'elle invite simplement à jouir des bienfaits de la société de consommation, et dont les seules références morales résident dans l'évocation rituelle et compassée de la démocratie et des droits de l'homme.

Dans les faits, la démocratie est bafouée, les institutions politiques sont dominées par des partis que rien ne différencie notablement, et qui font tout pour conserver leur pouvoir, au mépris de l'esprit démocratique dont ils se disent pourtant les champions.

Quant aux droits de l'homme, l'application pointilleuse et hypocrite qui est faite d'un texte à portée prétendument universelle, celui de la Convention européenne, nous fait oublier une vérité élémentaire qui veut que l'homme n'a pas que des droits, mais aussi des devoirs, des obligations à l'égard de lui-même, de son pays et de la société.

La religion des droits de l'homme a pour effet pervers de désarmer moralement les individus.

N'ayant à proposer que cette fausse démocratie et cette fausse religion, la société française est en réalité une société qui n'a plus d'âme, une société d'exclusion dans laquelle l'appartenance à un parti, à un syndicat, à une secte, à une communauté a le plus souvent plus d'importance que les qualités, le travail ou la compétence des individus.

La société française vit dans le mensonge permanent. Le Parti socialiste est un parti de privilégiés qui aime à se donner bonne conscience en se référant au socialisme, mais qui soutient le système capitaliste dans tous ses excès, et qui a la même politique que la droite. La droite se réfère au gaullisme, mais il y a bien longtemps qu'elle a renoncé à la souveraineté et à l'indépendance de la France, et à la défense d'un projet proprement français. Nous sommes tous témoins de ces hypocrisies, mais à quoi sert de dire une vérité que tous connaissent, si "le peuple", devenu cynique, se complait dans le mensonge!

Enfin et surtout, la société française, et au-delà de la France, la société occidentale n'offrent à leurs membres qu'un idéal de boutiquier, d'épicier, seulement invités à s'enrichir... s'ils le peuvent.

Au XIXème siècle, les grands écrivains, les philosophes, les artistes, les penseurs étaient le plus souvent issus de l'aristocratie, parfois, de la bourgeoisie. L'élite contemporaine n'engendre plus de penseurs, plus de génies, prêts à révolutionner la société, elle n'accouche que d'un esprit gestionnaire cherchant les remèdes pour préserver l'ordre établi, au mépris de toute morale. Ses seuls prophètes sortent des écoles de l'administration, ils nous assènent quotidiennement, dans les médias, sur un ton faussement inspiré et prophétique, les pauvres et maigres recettes de la portion congrue.

Faut-il s'étonner que dans cette société d'hypocrites, ceux qui sont les exclus ressentent un sentiment de révolte. C'est vraisemblablement le cas d'une partie de la jeunesse, à laquelle il n'est offert aucun idéal, et qui n'accède pas même aux "délices" de la société de consommation.

Pour être forte et cohérente, une société doit donner une place à chacun, aux riches comme aux pauvres, et un espoir. Le terrorisme, c'est l'absence d'espoir. Le passage à l'acte, c'est le désespoir absolu.

Une religion, l'Islam, dans une interprétation dévoyée, donne à la jeunesse perdue un idéal qu'elle ne trouve pas dans notre société.

Alors, bien sûr, il faut lutter contre le terrorisme. Bien entendu, il faut réduire à néant les Etats ou les organisations qui pratiquent le terrorisme. Bien évidemment, il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et déjouer les attentats.

Mais pour lutter durablement et efficacement contre le terrorisme, il faudrait que la société occidentale se réforme, qu'elle retrouve une inspiration et un idéal. Nous en sommes loin. De ce point de vue, les bombardements sont inutiles, et la défense de l'Occident, Russie comprise, est pathétique.















mardi 1 décembre 2015

L'étonnant discours de Vladimir Poutine lors de l'inauguration du Centre présidentiel Boris Eltsine

Le Centre présidentiel Boris Eltsine, créé à Ekaterinbourg grâce à une importante dotation de l'Etat ainsi qu'à des dons, a été inauguré le 25 novembre dernier, par le président de la Fédération de Russie et par le premier ministre, en présence de la veuve de Boris Eltsine.

A cette occasion, Vladimir Poutine a prononcé un discours dans lequel il souligne les qualités du premier président de la Fédération de Russie, et le rôle qu'il a joué dans la démocratisation du pays.
Comme chacun le sait, la personnalité et l'action de Boris Eltsine sont diversement appréciées, de sorte que la création même du Centre a fait l'objet de critiques virulentes de la part de certains hommes ou organisations politiques, notamment de M. Ziuganov et du Parti communiste de la Fédération de Russie (http://kprf.ru).

Sur ce sujet, la Literaturnaïa Gazeta, sous la plume du journaliste Oleg Pukhnavtsev, vient de publier un article au titre éloquent : "La momification de la honte".

Pour beaucoup de Russes qui n'hésitent pas à s'exprimer vertement sur les réseaux sociaux, l'ivrogne Eltsine a déshonoré la Russie. Il demeure le symbole d'une période de corruption, de gangstérisme, de pillage des richesses du pays. Violant la constitution alors en vigueur, Elstine a réprimé dans le sang, en 1993, la révolte du parlement russe, et il porte la responsabilité de l'affaiblissement durable de la Russie, comme de la crise ukrainienne. Eltsine est souvent considéré comme un traître ayant provoqué la disparition de l'Union soviétique, et le chaos qui a suivi.
L'arrivée au pouvoir de Poutine a au contraire été vécue comme un retour à l'ordre, et un rétablissement de l'autorité de l'état.
Aussi, le discours récemment prononcé par Vladimir Poutine apparaît surprenant, car il semble marquer une continuité des politiques poursuivies à l'époque de Eltsine et à présent. Ce discours ne devrait pas permettre à Poutine de recueillir un quelconque soutien supplémentaire sur le plan intérieur.
Peut-être ce discours est-il destiné à rassurer l'opposition dite "libérale" et l'Occident, mais il contribue surtout à renforcer l'image du capitalisme sauvage qui s'est installé en Russie, dans le contexte d'une situation internationale catastrophique, de la croissance du chômage, d'une augmentation des prix et de difficultés quotidiennes de plus en plus importantes pour la population.

VOIR EN LIGNE :

Texte

Il vous est proposé de prendre connaissance d'une traduction en français du discours prononcé le 25 novembre 2015 par M. Poutine lors de l'inauguration de ce centre (le texte de ce discours est publié sur le site de la présidence russe http://www.kremlin.ru/ ).

"Chère Naina Yossifovna,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

C’est aujourd’hui que nous inaugurons le Centre Boris Nicolaevitch Eltsine.

Ce n’est pas seulement un hommage à la mémoire du premier président de la Russie. Le Centre a été conçu comme le reflet de toute une époque de l’histoire de notre pays, une époque de changements radicaux, extrêmement importants, complexes et, bien entendu, contradictoires.

Nous venons de faire connaissance avec l’exposition. C’est réellement le récit honnête de la façon dont s’est construite la Russie contemporaine, des difficultés à laquelle elle s’est heurtée, des problèmes qu’elle a résolus. C’est le récit de ce qui a été accompli pendant cette période.

Nous apprenons à conserver une relation objective, prudente à notre histoire, au chemin ininterrompu et séculaire de notre pays. A un chemin qui a été semé à la fois de réalisations grandioses, de changements brutaux, d’erreurs, de victoires éclatantes.

Il est nécessaire de connaître, d’étudier cette expérience complexe, ses multiples significations, ses nombreuses orientations, d’en être fier, d’en tirer, bien sûr, les leçons, d’en sentir et d’en comprendre la signification spirituelle, morale.

Les éléments exposés au Centre, c’est précisément l’exemple d’une telle relation à l’égard d’une des étapes clefs du développement de la Russie. Ici se trouve rassemblé et systématisé un ensemble considérable et unique de documents.

Le destin, la personnalité même de Boris Nicolaevitch Eltsine, sont le reflet, dans toute leur mesure, des défis colossaux, des difficultés de cette époque. Il avait un caractère volontaire, franc, courageux, une aptitude à faire preuve de décision extrême. Et c’est en grande partie grâce à ces qualités que notre pays n’a pas dévié de la voie démocratique de développement qui a été choisie.

C’est précisément à cette époque, dans des conditions de rude confrontation politique, qu’a été adoptée la Constitution de notre pays, et que sur son fondement, sur celui de ses dispositions précises, a débuté la période constructive de notre développement.

Boris Nicolaevitch avait une compréhension profonde du caractère dramatique de ces transformations radicales, il en était pénétré, à travers lui-même, à travers sa conscience, son âme, son cœur ; il était en proie au doute, tourmenté, inquiet, il connaissait les épreuves extrêmement difficiles que notre peuple devait traverser. Et lorsqu’il prit la décision de se retirer, il s’est adressé, comme nous nous en souvenons, au peuple de Russie avec des mots sincères, avec des mots qui étaient véritablement des mots de confession. C’est en cela que résidaient sa force, son honneur et sa franchise.

Chère Naina Yossifovna, vous vous êtes trouvée aux côtés de Boris Nicolaevitch pendant plus d’un demi-siècle, et vous avez mérité le respect de millions de nos compatriotes non seulement en tant qu’épouse du premier président, mais en raison de votre grand tact et de votre sens de la réserve. Ici également, dans cette salle, nous pouvons ressentir la chaleur de votre générosité morale.

Je voudrais remercier, pour leur participation active à la création du Centre, les organisateurs du Fonds Boris Nicolaevitch Eltsine ainsi que tous les curateurs. Les autorités de la région de Sverdlovsk et d’Ekaterinbourg ont également fait de grands efforts. J’espère que par la suite, le Centre bénéficiera d’un soutien général.

Il reste un grand travail. Le Centre Eltsine doit vivre, il doit se développer comme un lieu d’enseignement, mais aussi comme le centre de réalisation de différents projets, notamment sociaux.

Bien sûr, une attention particulière doit être portée à la jeunesse et à ses intérêts. Il faut dire que la génération présente connaît mal à la fois notre passé récent, et la vie du premier président de notre pays. Il est également important que les jeunes soient des visiteurs permanents du Centre et qu’ils participent à ses programmes, qu’ils étudient l’histoire de notre pays, et qu’ils en aient une compréhension profonde pour leur épanouissement intellectuel aussi bien que spirituel.

Chers amis !

Je me souviens des mots de Boris Nicolaevitch, mots qu’à présent tout le pays connaît : « Prenez soin de la Russie ». Ces mots s’adressaient à nous tous, aux générations présentes et futures. Boris Nicolaevitch voulait que notre pays soit fort, épanoui, heureux. Nous avons déjà beaucoup fait pour atteindre ces buts, nous avons surmonté bien des difficultés, et nous résoudrons à coup sûr tous les problèmes qui se posent à nous.

La Russie va devenir forte, elle va se développer grâce aux efforts et au travail, au talent de notre peuple, et à son dévouement pour la Patrie.

Merci de votre attention."